jeudi 13 février 2014

Un recteur de l'Ile de Sein


L'actualité n'est pas rose pour les bretons en ce moment ...  il est peut-être temps d'en profiter pour essayer de les comprendre en lisant un roman d'un "vrai" breton ....

Henri QUEFFELEC ... oui, oui, le papa de Yann, qui vient de publier Le dictionnaire amoureux de la Bretagne, celui de Anne aussi que l'on entend souvent sur France Musique effleurer les touches noires et blanches ... et pour les plus studieux, également celui de Hervé le matheux ....

Henri QUEFFELEC, né le 29 Janvier 1910 à Brest, et décédé  le 12 Janvier 1992 à Paris, il aurait presque fermé la boucle des 82 ...


Un recteur de l'Ile de Sein ... C'est quoi un recteur ? ... si vous vous posez la question, c'est que vous n'êtes certainement pas breton, et si vous croyez vaguement que cela a à voir avec les universités, vous vous fourvoyez complètement ... En Bretagne, on appelle  "recteur" le curé du village, tout simplement ...
Le titre vous en dit déjà beaucoup, et pas besoin de pitch pour savoir de quoi il retourne ....


L'histoire se déroule sous l'ancien régime, mais elle aurait tout aussi bien pu se dérouler à une autre époque ... la mer et le vent se moquent bien du temps, même s'ils en dépendent, et quand les éléments se déchaînent, ils le font pareillement depuis la nuit des temps, et jusqu'à aujourd'hui.

Peut-être, est-il bon de resituer cette petite île, pour mieux comprendre le caractère de sa poignée d'habitants, forgé par la rudesse des conditions de vie ... d'autant plus à cette époque, où les moyens de communication avec le continent étaient réduis aux seules barques sénanes, quand elles pouvaient sortir et traverser le raz de Sein.



On comprend mieux pourquoi les îliens regardent si souvent le ciel, puisque devant eux ne s'étend que l'immensité de l'océan, ils espèrent trouver un soutien là-haut, et les priver de recteur, de curé, est considéré comme une pénitence supplémentaire et injuste. 

Pourquoi Dieu les abandonnerait-il ? Alors qu'il leur inflige déjà tant d'épreuves sur leur île....

Évêque et Archevêque ne veulent pas les entendre ? Ils n'en ont cure les "sauvages", et ils le trouveront leur recteur, ils le forgeront ... ce sera un des leurs. Un recteur qui connaîtra leurs souffrances, leurs soucis et leurs bonheurs aussi ... Un qui connaîtra si bien ses ouailles, qu'il pourra toujours donner le conseil le plus judicieux pour apaiser les rancœurs ... 

Thomas s'est vu ainsi installé au presbytère et faire fonction de recteur de l'ïle. Il n'a pas accepté tout d'un coup, cela s'est fait doucement, sans même qu'il s'en rende compte, et au gré des événements de l'île, comme dans le petit conte d'Olivier Clerc, la grenouille ...

Parce qu'il faut bien le dire, quand il n'y a pas la tempête pour les souder, quand les galets ne se fracassent pas sur la grève, quand le vent de s’engouffre pas bruyamment dans la moindre faille, les sénans, ils se chamaillent et jouent à Clochemerle comme tout villageois.

Que va-t-il advenir de ce recteur en "carton-pâte" ? ..... je ne le dévoilerai pas, c'est trop agaçant de connaître la fin d'une histoire, avant même d'avoir eu envie de la lire.....

Ne pas se laisser rebuter par la dureté des personnages, la violence des caractères, et entrer dans ce roman comme on entre dans une église ... c'est l'ambiance le plus important, et la lumière vient d'en haut ...

Vous l'avez compris, j'ai aimé ce roman, malgré une prise en main houleuse ... et je remercie mon bienheureux "prêteur" qui m'a confié cette édition de 1947, ou le charme des feuilles jaunies et séparées à la lame du couteau ne font qu'accroître le bonheur de savoir lire ....


Quand le roman est sorti, le succès ne s'est pas fait attendre, et le cinéma s'est mis de la partie ... le romancier a pris la caquette de scénariste, et le film est sorti sous le titre  "Dieu a besoin des hommes" ...








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