jeudi 13 février 2014

Un recteur de l'Ile de Sein


L'actualité n'est pas rose pour les bretons en ce moment ...  il est peut-être temps d'en profiter pour essayer de les comprendre en lisant un roman d'un "vrai" breton ....

Henri QUEFFELEC ... oui, oui, le papa de Yann, qui vient de publier Le dictionnaire amoureux de la Bretagne, celui de Anne aussi que l'on entend souvent sur France Musique effleurer les touches noires et blanches ... et pour les plus studieux, également celui de Hervé le matheux ....

Henri QUEFFELEC, né le 29 Janvier 1910 à Brest, et décédé  le 12 Janvier 1992 à Paris, il aurait presque fermé la boucle des 82 ...


Un recteur de l'Ile de Sein ... C'est quoi un recteur ? ... si vous vous posez la question, c'est que vous n'êtes certainement pas breton, et si vous croyez vaguement que cela a à voir avec les universités, vous vous fourvoyez complètement ... En Bretagne, on appelle  "recteur" le curé du village, tout simplement ...
Le titre vous en dit déjà beaucoup, et pas besoin de pitch pour savoir de quoi il retourne ....


L'histoire se déroule sous l'ancien régime, mais elle aurait tout aussi bien pu se dérouler à une autre époque ... la mer et le vent se moquent bien du temps, même s'ils en dépendent, et quand les éléments se déchaînent, ils le font pareillement depuis la nuit des temps, et jusqu'à aujourd'hui.

Peut-être, est-il bon de resituer cette petite île, pour mieux comprendre le caractère de sa poignée d'habitants, forgé par la rudesse des conditions de vie ... d'autant plus à cette époque, où les moyens de communication avec le continent étaient réduis aux seules barques sénanes, quand elles pouvaient sortir et traverser le raz de Sein.



On comprend mieux pourquoi les îliens regardent si souvent le ciel, puisque devant eux ne s'étend que l'immensité de l'océan, ils espèrent trouver un soutien là-haut, et les priver de recteur, de curé, est considéré comme une pénitence supplémentaire et injuste. 

Pourquoi Dieu les abandonnerait-il ? Alors qu'il leur inflige déjà tant d'épreuves sur leur île....

Évêque et Archevêque ne veulent pas les entendre ? Ils n'en ont cure les "sauvages", et ils le trouveront leur recteur, ils le forgeront ... ce sera un des leurs. Un recteur qui connaîtra leurs souffrances, leurs soucis et leurs bonheurs aussi ... Un qui connaîtra si bien ses ouailles, qu'il pourra toujours donner le conseil le plus judicieux pour apaiser les rancœurs ... 

Thomas s'est vu ainsi installé au presbytère et faire fonction de recteur de l'ïle. Il n'a pas accepté tout d'un coup, cela s'est fait doucement, sans même qu'il s'en rende compte, et au gré des événements de l'île, comme dans le petit conte d'Olivier Clerc, la grenouille ...

Parce qu'il faut bien le dire, quand il n'y a pas la tempête pour les souder, quand les galets ne se fracassent pas sur la grève, quand le vent de s’engouffre pas bruyamment dans la moindre faille, les sénans, ils se chamaillent et jouent à Clochemerle comme tout villageois.

Que va-t-il advenir de ce recteur en "carton-pâte" ? ..... je ne le dévoilerai pas, c'est trop agaçant de connaître la fin d'une histoire, avant même d'avoir eu envie de la lire.....

Ne pas se laisser rebuter par la dureté des personnages, la violence des caractères, et entrer dans ce roman comme on entre dans une église ... c'est l'ambiance le plus important, et la lumière vient d'en haut ...

Vous l'avez compris, j'ai aimé ce roman, malgré une prise en main houleuse ... et je remercie mon bienheureux "prêteur" qui m'a confié cette édition de 1947, ou le charme des feuilles jaunies et séparées à la lame du couteau ne font qu'accroître le bonheur de savoir lire ....


Quand le roman est sorti, le succès ne s'est pas fait attendre, et le cinéma s'est mis de la partie ... le romancier a pris la caquette de scénariste, et le film est sorti sous le titre  "Dieu a besoin des hommes" ...








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jeudi 23 janvier 2014

Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit

Je ne lis pas vite, c'est le moins que l'on puisse dire .... Et comme par hasard, on retrouve le même auteur ! Serait-ce une fixation ? ..... 



Un nouveau roman de Jean d'Ormesson, et comme presque à chaque fois, un roman qui n'en a pas l'air !

Mais qu'est ce réellement un roman, et que veut bien pouvoir dire "avoir l'air d'un roman" .... sinon une histoire qui brosse la vie ou un moment de vie d'un personnage, voir de plusieurs ....
Sachant que le personnage n'est pas forcément un humain, il peut être animal, végétal, entité etc .... 

C'est donc bien un roman que nous avons entre les main, même s'il diffère de ce qu'on entend généralement dans ce genre littéraire. Mais c'est bien parce que tout change, tout évolue que justement les romans de Jean d'Ormesson ne ressemblent pas aux romans classiques.
D'ailleurs, l'auteur s'en explique dès l'incipit ... ce qui donne encore plus envie d'aller plus loin.

Bien sûr, on retrouve Marie, le grand-père et Plessis les Vaudreuil, avec Dieu et le temps qui passe. Ce sont les piliers des romans de Jean d'Ormesson, c'est un peu sa saga particulière ...

Mais parlons du livre ....

J'ai ressenti ce roman comme un ballet bien rythmé entre le lecteur et l'auteur. Le lecteur découvre des tranches de vies qui se sont succédé depuis que le Dieu Universel a rendu l'homme responsable de sa destinée ... et en conséquence, le lecteur croise des destinées variées, parfois étonnantes et très souvent brillantes ... L'auteur, quant à lui constate ... L'auteur, je le ressens comme le personnage principal du livre, ce n'est pas l'écrivain (Jean d'O) à cent pour cent, beaucoup de lui mais un autre, un héros, au sens romanesque du terme.
Mais, bien sûr que l'auteur "emprunte" à l'écrivain des fragments de vie et de pensées...

De tous temps les romanciers, illustres ou inconnus, ont mis un peu, beaucoup, passionnément de leur vie, de leurs expériences et de leurs réflexions dans leurs écrits sans pour autant qu'on leur en fasse grief ... probablement parce que les moyens de communication d'hier et d'aujourd'hui sont différents.
Ce qui n'empêche, qu'il y a, oui, des romanciers nombrilistes ... mais je ne range pas dans cette catégorie Jean d'Ormesson qui maîtrise l'art de faire croire qu'il se dévoile tout en faisant parler son personnage, l'auteur.

Donc, le lecteur découvre et l'auteur constate, que tout passe, tout évolue, que rien ne change vraiment et qu'il existe bel et bien une puissance céleste, commune à tous, qui tire les ficelles .... 

Dans ce roman, Jean d'O a fait quitter à l'auteur le costume de l'homme qui vénère Dieu pour entrevoir que l'Univers est un Dieu.
Le constat est fait que l'homme de chair , programmé pour mourir dès la naissance abrite une âme. A savoir où la placer cette âme dans la chaîne de l'évolution, et quel avenir lui réserver quand on ne croit ni à la résurrection, ni à la réincarnation. A savoir où placer son Dieu dans l'Univers.
A douter.
Mais dans une dernière prière, l'auteur, ... ou l'écrivain ? ....  reprends les mots universels "Merci", "Pardon" (celui de Dieu).

Et Marie dans tout ça ? .... Parce qu'il faut bien l'avouer, Marie intrigue depuis longtemps tous les lecteurs de Jean d'O... Marie la cousine, Marie l'épouse, Marie l'amante, Marie l'aimée ... mais qui est Marie ? 
Ce n'est pas encore dans ce roman que nous le saurons ... 
Mais elle a toujours une place de choix. Ici, elle joue le rôle du "contradicteur", amoureuse et aimante mais néanmoins "contradicteur".
Et les dialogues échangés avec l'auteur font varier le style et le rythme du roman.

Du début à la fin, on ne s'ennuie pas ... souvent on est amené à la réflexion, mais on se rend tout de même compte que tout n'a pas encore été dit ... 

Et alors, et Paul Karpo-Vinteuil, dit Pama Karpo, ou l'inverse ? ... Ah oui, ... Pama, petit frère d'un moine-enfant tibétain, bouddhiste, et qui par le jeu de l'adoption plénière se laisse transformer par l'amour, par l'argent, par l'amour de l'argent  ... un clin d’œil de romancier qui s'amuse à l'intégrer dans la vie sociale et politique des Trente Glorieuses, tant et si bien qu'aujourd'hui encore certains pensent l'avoir connu ... 


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jeudi 30 mai 2013

La Conversation - Jean d'Ormesson







Ecrire sur ..., commenter, interpréter, .... etc
un écrit de Monsieur Jean d'Ormesson ?....
Quelle audace ! ....Voire pire, quelle outrecuidance !





Cette fois-ci, c'est différent ... différent de ses autres œuvres ... car ce n'est pas l'auteur qui parle, ni même qui raconte.

Il nous retrace, dans ce livre, une conversation fictive entre Bonaparte, 1er Consul, et Cambacérès, 2ème Consul ...

Un écrit historique ? Que nenni ! ..... Sorti de la pure imagination de Jean d'Ormesson... Comme si, l'auteur était "entré en contact" avec le Général et avait écrit sous sa dictée ... à l'instar des profilers qui se mettent dans la peau du tueur pour mieux le cerner ...

Bien sûr, on retrouve, ça et là, "la patte" de notre académicien ... mais, il a pu garder cette distance, telle et si difficile à atteindre, que parfois on peut s'y méprendre et avoir l'impression que c'est réellement Bonaparte qui parle ...


Il a bien fallu qu'à un moment donné, le Général ait eu le déclic qui l'a fait passer de 1er Consul républicain à Empereur de tous les français ... et avec leur approbation en plus ! Eux qui venaient de "faire sauter" la royauté ! ...

Combien de temps a pu durer ce fameux déclic ? ...
Le temps de Planck * aurait-il fait irruption dans le cerveau du "petit Corse" ?.... Je suis 1er Consul ... demain je serai Empereur ... 10 puissance moins 43 seconde ! ... Et toute la "machinerie cérébrale" se met en route ... tout est passé en revue jusqu'au plus petit détail, qui tout compte fait n'en est pas un, qu'est celui du choix de ... l'abeille ...


Coup de main, coup de force, coup de maître ... En un peu plus d'une heure, tous les rouages de cette étonnante décision nous sont démontés, avec une incroyable conviction ... Et oui, ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains ... parmi les lecteurs, il pourrait en être qui croient réellement que cette histoire est l'Histoire !...


Alors, me direz-vous ... un livre trop sérieux ?... triste à souhait ?....
PAS DU TOUT!

Et même parfois drôle ... On y apprend en plus que Bonaparte, est avant tout et tout simplement : un homme, deuxième d'une longue fratrie ... dont il lui faut gérer toutes les querelles, comme dans presque toute famille, depuis les caprices purement féminins de sa petite sœur, aux jalousies politiques de ses petits frères ... 

On y apprend également, combien le futur Empereur, peut savoir faire preuve de tolérance ... bien qu'il ait toujours affiché une certaine rigidité ...
Eh oui ! ... avoir comme 2ème Consul, Cambacérès, qui revendique son homosexualité et ne s'en cache pas ! ... Tant, que les pamphlétaires ne se sont pas privé d'imager le Consulat par leurs connaissances latines : hic, haec, hoc ... masculin, féminin, neutre ... Bonaparte, Cambacérès, Lebrun ! ...
Cambacérès aurait-il un léger penchant pour le futur Empereur ?... Les sentiments ne se commandent pas !....


En conclusion, si ce livre est une conversation fictive, il est tout de même basé sur des faits réels ... des mots de Bonaparte, peut-être pas dans cet ordre, dans ces conditions ... mais quelques-uns de ses dires tout de même ...

Un agréable moment à passer ... et puis ... 120 pages ce n'est pas le bout du monde !




La Conversation a été adaptée au théâtre ... cela semblait inévitable ...



A l'affiche au théâtre Hébertot jusqu'au Samedi  8 Juin 2013
 Mise en scène de Jean Laurent Silvi



mardi 28 mai 2013

LES VAISSEAUX DU COEUR - Benoîte Groult






Je sais, vous allez me dire .. pas tout nouveau celui-ci ... ! ... Et pourtant, je viens seulement de le découvrir ... et alors ? en littérature non plus, il n'y a pas d'âge, pas d'espace temps pour découvrir ...

Profitez de cette période estivale pour emporter ce roman dans votre valise ... vous aurez bien le temps en Septembre de lire les nouvelles parutions, avec la traditionnelle rentrée littéraire ...

Roman d'inspiration autobiographique de 1988, il a été adapté au cinéma quatre ans plus tard par Andrew Birkin ....


Même si vous êtes passionné de cinéma, ce n'est qu'une adaptation ... la Bretagne a disparu... et c'est bien dommage, car elle est mise en valeur dans ce roman.


Les vaisseaux du cœur ... un roman d'amour ? .... Certes, mais il n'a rien de fleur bleue, aucune commune mesure avec les romans à l'eau de rose que l'on trouve dans les hall de gares  ... C'est de l'amour passion qu'il est traité ici ... L'Amour avec un grand A ... le fusionnel ...

Benoîte Groult s'est déplacée sur un fil bien mince, mais bien tendu ... à l'instar des funambules ... elle n'est jamais tombée d'un côté ou de l'autre, ni celui du romantisme à quat'sous, ni celui de la pornographie, ou de l'obcènité ... De l'érotisme à l'état pur ...  avec toutes les acceptions de ce dernier mot.

George et Gauvin ... si peu banals ces prénoms, qu'ils en deviennent intemporels ... George et Gauvin vivent chacun dans leur monde, comme s'ils se déplaçaient sur chacune des rives d'un fleuve, sans imaginer, sans qu'il soit possible, qu'un jour ils se "rencontrent" ...
Bien sûr qu'ils se sont "rencontrés" puisqu'ils se sont côtoyés durant toute leur jeunesse ; lui petit breton aux yeux d'océan, qui ne rêvait que de partir en mer, issu d'un milieu plus que modeste et qui avait un regard assez acerbe sur ces "touristes", ces vacanciers, ces nouveaux venus de la bourgeoisie parisiennes dont faisait parti George, laquelle déjà portait un prénom ridicule.

Ces deux électrons libres de leurs milieux respectifs, ont tôt fait de s'écarter du chemin de halage pour plonger dans le lit ... du fleuve.
Canal de Nantes à Brest
Photo du site

Durant 30 ans, ils n'auront eu que des rencontres brèves, très brèves même parfois, aux quatre coins du monde ... profitant de chaque opportunité qui leur était donnée ... pour assouvir cette passion qui les dévorait. Et malgré tout, cela ne les empêchait pas d'avoir l'un et l'autre une vie bien rangée, conforme à leurs destinés respectives, de l'autre côté du miroir.

Ce roman est audacieux, tant par l'histoire valorisant l'aventure extra-conjugale, que par l'écriture qui sous un réalisme poignant est parfois un peu crue. Mais il reste un roman d'amour, de la trempe des tragédies shakespeariennes ... et ça, il fallait bien s'appeler Benoîte Groult, du haut de ses 68 ans, pour pouvoir réaliser cette prouesse ...

Elle a été très critiquée, mise au ban ... mais elle s'en est bien défendue ... elle n'a pas justifié, ni expliqué cette histoire, car c'était la sienne, et qu'elle n'avait pas à se justifier ... elle l'avait vécu simplement, et n'en aurait pas changé le moindre tracé ... son marin, à elle, était pilote ...
« Je me disais que si on vivait ensemble, j’allais gâcher mon amour pour lui. Je rêvais de lui, de son corps, de son cœur extraordinaire. Il avait une telle générosité, un tel amour pour moi ! Mais je ne voulais pas quitter mon mari avec qui je m’entendais merveilleusement. Non, ces passions, il faut les laisser à l’état de passions, comme Tristan et Iseult, comme toutes ces amours impossibles qui sont splendides mais qu’il ne faut pas vivre au quotidien ; ça les fait mourir. » (Benoîte Groult)

Benoîte Groult, chez elle en Bretagne
(photo du web)


En conclusion, 

Il y a des rencontres
Où l'on s'est presque rien dit
Où l'on se verra presque pas
Et qui suffisent à remplir une vie.
Alain Brugnot Extrait de "Poaimes et autres chants d'Elle"









dimanche 26 mai 2013

PURGE - Sofi Oksanen




PRIX FEMINA ETRANGER 2010






OKSANEN3.jpgPour ce livre, je mets au fond deux piliers, d'un côté le journal de bord d'un "séquestré", de l'autre les tourments politiques d'un petit pays ... trop fragile pour être autonome, suffisamment intéressant pour attiser la convoitise des grandes puissances, qui a passé une grande partie de son Histoire ballotté entre la Russie et l'Allemagne ... Et dont le peuple avait pour rêve de traverser le Golfe de Finlande ...

Au premier plan, une femme, Adéliide, psychotique, née vilain petit canard, mais qui s'y est habituée comme une fatalité, jusqu'au jour où sa sœur a touché à son rêve, son amour, son but ... C'est alors que sa vraie personnalité s'est déployée, lentement, couvrant petit à petit de ses ailes noires tout son entourage. Elle a eu recours à tous les plans machiavéliques disponibles, y compris la magie noire, pour "récupérer" l'homme de sa vie ! Celui qui lui était destiné à Elle, puisque les présages ne se trompent pas ... L'auteur de ce vol ? Sa sœur, qui lui devenait de plus en plus insupportable, pour qui elle a développé une haine féroce, au point de, non seulement la détruire mentalement, mais la laisser déportée pour en être mieux débarrassée ...
Pour arriver à ses fins, pour se protéger, pour pouvoir vivre près de celui qu'elle a toujours aimé, le seul d'ailleurs, elle s'est damnée ...

Peu importe, son corps ne lui appartenait plus, les sévices de la milice ont dissociés en elle l'enveloppe charnelle et le mental... elle était devenue Deux ... D'une petite fille bien sage, elle est devenue une meurtrière ... elle n'a jamais aimé que deux êtres, elle et Hans ...
Alors qu'elle pensait finir sa vie paisiblement, avec ses souvenirs et ses habitudes, la petite fille de Hans a fait irruption dans sa vie ...

OKSANEN4.jpg

La vie pour Adéliide et sa famille était entourée d'une aura sucrée, pastel, agréable, douce, jusqu'à ce jour de printemps où le rouge, le noir, et l'amer ont remplacé cette ambiance doucereuse, tant pour elle que sa famille, toute sa famille, même les descendances inconnues ...

C'est souvent le cas dans les familles où persiste un "secret" ... chaque membre en subit les ondes négatives sans le savoir ... Comment Zara, sa petite nièce va-t-elle échapper à ce cruel destin, si seulement elle y échappe ? L'histoire ne le dit pas ... Mais on peut en douter, car Adéliide n'a jamais confessé ce secret, elle est partie avec, elle a juste essayé de réparer ...

Ce livre est une histoire de femmes. Les hommes ne sont pas absents, non, ils sont seulement accessoires, figurants ...
C'est par les pensées, souvent contradictoires avec les paroles, que l'auteur nous emmène dans l'univers psychotique de ces deux personnages que sont Adéliide et Zara. C'est par l'excès descriptif qu'elle nous emmène dans cet univers, cette ambiance ...

Ce livre fait partie des livres que je vais relire ... Mais je conçois qu'il fasse partie des livres du OUI ou du NON, on accroche ou on n'accroche pas ...



mercredi 22 mai 2013

Petite poucette - Michel Serres











Avec un C et non 2S !

Et pourtant !

A l'oreille, il n'y a pas grande différence ! ... Et alors que l'auteur nous parle de pouces, à "première audition" on en retient ce véhicule léger qui permet de transporter la génération future vers un lieu qu'elle n'a pas forcément choisi et mue par une génération précédente qui sait fort bien où la conduire.
Les seules possibilités offertes au voyageur étant soit le plaisir, manifesté par l'endormissement ou les babils, soit le désaccord manifesté, lui, par les braillements ... 

Et le rapport ?

Me demanderez-vous, puisque l'auteur ne s'est intéressé qu'aux pouces ! 
Que nenni ! Si l'on prends le temps de regarder le pitch on y découvre  ... 
"Ce livre propose à Petite Poucette une collaboration entre générations pour mettre en oeuvre cette utopie, seule réalité possible." [nouvelle ère, nouvelle société ...]

Elle est bien là, la volonté de Michel Serres ... enfin, c'est ainsi qu'elle m'est apparue ...

L'auteur nous montre et démontre que nous entrons dans une nouvelle ère ... certes, nous le savons depuis le 21 Décembre 2012 , mais celle-ci concerne notamment les moyens que nous avons de défier le temps, les distances et la connaissance.

Michel Serres en revient immanquablement à la conclusion de Montaigne qui préfère une tête bien faite à une tête bien pleine.
Et "bien faite" signifie, entre autre, savoir comment obtenir ce que l'on veut apprendre/connaître/vérifier.

Notre rôle à nous, "les anciens", ceux de la génération dico/papier est justement d'aider les "Petite Poucette" à comprendre qu'il ne faut pas faire fi des "vieilles méthodes" mais les adapter, et leur montrer que le véritable moteur de recherche reste encore notre cerveau et non Google pour ne citer que lui ...
Après tout, il ne fait que "recracher" les informations qu'il possède et que nous lui avons données, et, qui plus est, en fonction de la question posée.


Je regrette peut-être que l'auteur ne nous ai pas vraiment développé ce processus, ni les dangers de cette information tous azimuts.

Danger ?

Oui, car sur la toile on trouve de tout :  du sérieux, du fiable, du tronqué, du plagiat, de l'intox .... 
Il n'y a qu'à voir le nombre de blogs qui véhiculent le même message sorti généralement de son contexte, en faisant simplement un copier/coller sans même en indiquer la source ...

Peut-être ce sujet fera-t-il l'objet d'une observation de Petit Poucet, abandonné bien vite au profit de Petite Poucette ... et dont on n'en connaît la raison que vers la fin du livre ... Surprise !

Et pour finir, si ce n'est pour vous convaincre de lire ce petit livre de moins de 100 pages, je vous en cite un passage de 3 lignes (Page 43) :

"Autrement dit comment, ô paradoxe, dessiner des mouvements browniens ? On peut au moins les favoriser par la sérendipité de Boucicaut."

C'est la revanche de la connaissance sur les pouces !

Et oui, vous qui avez engrangé nombre connaissances au fil des ans, vous comprenez à la première lecture et passez très vite à Zola ... 

Par contre, Petite Poucette devra chercher quel est ce mouvement inconnu qui ne concerne que des particules non nommées, devra se poser la question de l'existence du hasard, et surtout s'offrira un cours de marketing plutôt qu'une station de métro parisien ! ... 
Soit au moins un quart d'heure de recherches sur la toile ... car le temps ne compte plus et l'information arrive quasi instantanément, le plus long étant de jouer des pouces pour taper "le mot" ! 
Et pendant ce temps, vous avez fini de lire le chapitre 2 ! 


Tout compte fait j'ai décelé beaucoup d'humour dans ce petit livre à lire entre deux stations de métro ! Pour reprendre le mot de Jean d'Ormesson quand il nous parle de "La Conversation" .... 



Et l'auteur ... parce qu'enfin, c'est bien le seul à avoir son mot à dire ... 










lundi 20 mai 2013

Grâce et dénuement - Alice Ferney







Avec ce roman, Alice Ferney obtient le prix Culture et Bibliothèque pour tous en 1997 ....
15 ans ont passé, et toujours aussi vrai ... pas une ride.



L'auteur nous fait entrer dans un monde qui nous est totalement inconnu quoiqu'on en dise ... si loin de toutes nos idées préconçues sur le monde tzigane ...

Ce roman est d'une violence inouïe, pas dans l'action, non, mais tant il nous confronte à la réalité ... la réalité que nous ne connaissons pas, mais dont on ne se prive pas de parler, commenter ... juger.

Affrontement de deux mondes, celui des gitans, les manouches, les "voleurs de poules", et le nôtre, celui des bien-pensants, bien propres de la tête au pieds et dans la tête, au sec, au chaud ...



gitan2 

Esther, bibliothécaire, a pris l'initiative de faire découvrir la lecture aux enfants d'un campement gitan. Il a fallu pour cela qu'elle les apprivoise tous, les enfants et les adultes...

Pas facile ... mais la magie des mots a eu raison des barrières que crée l'analphabétisme ; la patience d'Esther a été récompensée ...

A-t-elle apprivoisé, grâce à ses livres, ces gens du voyage qui n'ont comme seule richesse que celle du coeur, ou bien tout compte fait, est-ce elle, la gadjé*, qui a finalement été apprivoisée 


Elle a joué les passe-muraille, elle est passé de l'autre côté de cette vitre qui nous isole dans notre monde de nantis, ... mais elle est toujours restée la gadjé. Elle n'a jamais cherché à vivre leur vie, leurs souffrances, elle a juste voulu se fondre dans leur misère quelques heures par semaine pour leur apporter un peu plus que le rêve, compléter leur richesse humaine ...


Un rat s'accroche à son manteau, elle le dégage d'une chiquenaude ... La même scène dans son jardin ? Mais elle aurait hurlé Esther ! ... Improbable scène ?
Pas pour Alice Ferney qui arrive à nous faire entrer dans ce monde méconnu, nous faire admettre la dure réalité mais qui, par l'enchantement des mots nous fait découvrir toute la grâce qu'il peut y avoir bien cachée derrière tant de souffrance.


Ce n'est pas un documentaire sur la vie des gens du voyage, ni même un plaidoyer "politiquement correct" ... c'est juste une tranche de vie ...

Dès les premières lignes, ce que les littéraires appellent l'incipit, on comprend de suite que ce roman est rempli de la fierté tzigane et d'honneur, sans misérabilisme, ni larmoiement ... Le sentiment à l'état pur, le sentiment d'être humain ...






alice-ferney.jpg


Alice Ferney a publié d'autres romans, dont "Conversation amoureuse" que j'ai relu et que je vous recommande ...
Avant que de venir vous en parler ....



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* Gadjé, gadjo : nom donné par les gitans aux personnes qui ne sont pas de leur monde.